Mexicaine, Maricela vit en Suisse et affirme par son travail artistique ses racines culturelles. Elle crée ainsi un univers personnel et envoûtant.

 

Sa démarche créatrice puise son inspiration dans un registre qui s’appuie sur les fondements traditionnels de l’art mexicain, tout en actualisant ses sentiments et l’environnement dans lequel elle situe ses œuvres.

 

En exposant ainsi à la Galerie des Annonciades de Saint-Ursanne, elle offre au regard des visiteurs des toiles construites en diverses techniques qui surprennent par la variété et la diversité des moyens qui ont présidé à leur réalisation, tout autant que par les sujets représentés, entre un monde baroque et surréaliste et dans des gammes chromatiques hautement signifiantes, que par la fantaisie de leur mise en œuvre. Ainsi ses réalisations invitent à la rêverie et au voyage, incitant le chaland à se démarquer de son regard traditionnel pour oser entrer dans un univers riche et diversifié, où la fantaisie l’emporte.

 

Entre surprise et poésie.

Sa démarche particulière, à la fois poétique mais aussi spontanée, surprend et interroge celui qui cherche à vouloir entrer dans le narratif et le descriptif. S’il y a histoire dans ses réalisations, il y a surtout un fil conducteur que chacun peut s’approprier en fonction de ses propres ressentis. Il ne faut pas chercher des explications rationnelles mais se laisser aller à la rêverie au gré de ses désirs.

Maricela va nous surprendre ! À nous de nous laisser aller pour entrer dans son monde enchanteur, décalé et particulier. Sans déroute, il suffit d’oser partir sur les chemins de l’imagination.

 

Patrice Allanfranchini, historien de l’art (NE)

décembre, 2019

 

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« Lorsque l’on pénètre dans l’atelier d’un artiste qui travaille dans sa propre maison, il va de soi qu’on découvrira aussi la personne qu’il est au quotidien, sa famille, ses animaux de compagnie et les objets dont il s’entoure. On pourra voir sa voiture garée devant la maison et se faire une idée assez précise de son mode de vie et de ses goûts. Mais si l’intention première est de connaître son œuvre artistique comme un produit créatif en soi, ces aspects du quotidien ne revêtent aucune importance. Pire, ils viennent perturber le regard extérieur qui aspire à saisir l’œuvre artistique en soi. Dans le présent cas, ces éléments extérieurs ne m’intéressent nullement. Je vais m’attacher ci-après à parler de cette matière spirituelle qu’est l’art. »

 

      Dans l’un de ses derniers tableaux intitulé « La dernière goutte de l’humanité » (2015), la figure humaine tire toute sa force du groupe. Le tableau est l’expression d’un cri collectif d’angoisse et de douleur devant notre impuissance à remédier aux tragédies qui nous affectent.

 

La peinture est entourée d’une bande blanche composée d’une suite de chiffres qui s’arrêtent à 43, nombre fatidique gravé à tout jamais dans la mémoire du peuple mexicain. Dans la partie supérieure de cette bande apparaît le visage d’une femme, dont les bras offrent un refuge aux corps humains entassés au centre du tableau. Les mères des 43 étudiants disparus sont représentées avec cette esthétique humaine qui est la marque graphique exclusive de Maricela Salas. À la différence des séries antérieures, l’artiste nous donne à voir ici la douleur sous plusieurs formes différentes : certains personnages crient, gémissent ou pleurent, tandis que d’autres s’emmurent dans le silence, les dents serrées, ou prient pour assimiler cette douleur viscérale et intime, qui prend une dimension collective. Dans leur attitude et leurs expressions, les mères portent en elles leurs enfants disparus et concourent à dresser un tableau révélant l’esprit de la tragédie avec une force brutale. Ce tableau récent retrace clairement l’évolution qu’a subie la figure humaine dans l’œuvre de Maricela.

 

Xabier F. Coronado

Tetipac, Guerrero,

September 21, 2015

 

Une Mexicaine en Suisse

 

Maricela nous est arrivée du Mexique il y a quelque huit ans. Elle y avait acquis une formation en peinture et arts plastiques et s’était perfectionnée dans des ateliers d’art en Irlande. Mais elle nous venait aussi avec toute une oeuvre dans ses bagages, une œuvre qu’elle a continuée ici de manières multiples.

 

Les premières rencontres avec elle ont eu lieu dans le cadre de manifestations interculturelles, consacrées à la rencontre de l’étranger, de l’autre. Et c’est là aussi un point fort dans les créations qu’elle présentait à ces occasions. Au fil des ans, au gré des rencontres, j’ai pu découvrir la richesse créative de cette artiste, tantôt déroutante, tantôt fascinante, autre, étrangère, et pourtant très proche en même temps.

 

Que faut-il souligner lorsqu’on doit donner ses impressions en peu de lignes?

 

Il y a tout d’abord la grande variété de techniques, appliquées à divers matériaux: papiers, toiles, tissus, carton-pâte, et j’en passe. Je reste tout particulièrement fasciné par ses “livres-palimpsestes”: vieux livres achetés au marché aux puces, dont les pages sont ensuite agrémentées de dessins, peintures, pensées, découpages, collages, à travers lesquels transparaît parfois le texte d’origine, souligné, troué, colorié, et ainsi relu par l’image.

 

Richesse de couleurs ensuite, souvent très vives et très contrastées, à la manière latinoaméricaine, mais aussi très chaleureuses. Un hymne poétique aux couleurs de la vie, elles aussi très variées et contrastées: un bleu profond dans lequel on risque de se perdre, un vert tendre, tout d’espérance, des rouges comme le sang qui court dans nos veines. Et même les êtres humains prennent des couleurs différentes, au gré des situations, parce que la vie colorée déteint sur eux.

 

A travers ce jeu de couleurs, il y a toujours aussi une part d’humour. Pas une gaîté superficielle, qui passerait par-dessus la réalité. Les motifs peuvent être tragiques, et la souffrance n’est pas tue, celle de l’emprisonnement, de la haine, du mépris, si bien que parfois “les larmes sont noires”. Mais c’est le propre de l’humour: à travers ce tragique se manifeste aussi le comique, exprimé de multiples manières: c’est lui qui donne au souffle de vie la force de résister, qui anime la danse de l’élévation, qui permet d’aller parler aux étoiles et de partir à la recherche des rêves cachés… Cet humour à la croisée du tragique et du comique, nous avons pu le vivre tout particulièrement à l’occasion des fêtes des morts, célébrations colorées et joyeuses d’une finitude sereine!

 

Ce tragi-comique, c’est la condition de l’être humain. Même s’il y a parfois aussi des éléphants, des serpents, des tortues ou des baleines dans les peintures de Maricela, les humains y sont omniprésents. Des petits, des grands, des femmes, des hommes, des enfants; rarement seuls, plutôt en couple ou en groupe. Et ce qui frappe, c’est qu’ils sont longiformes, squelettiques, avec des troncs et des membres étirés, un peu à la manière d’Alberto Giacometti. Et souvent dénudés, réduits à l’essentiel. Une manière d’exprimer que la vie ne permet pas de s’asseoir tranquillement et de prendre de l’embonpoint, de s’enrober? Toujours est-il que les humains de Maricela sont en mouvement, ils grimpent, ils dansent, ils attendent et espèrent (le même verbe en espagnol: esperar!), ils aiment, ils caressent, ils accueillent et recueillent.

 

La Mexicaine va bientôt nous quitter, retournant dans son pays avec sa famille, et les adieux nous coûteront quelques larmes. Nous devrons nous souvenir que celles-ci sont peut-etre des “gouttes d’humanité”. Si je vois bien, dans la “goutte d’humanité”, il y a de la place pour plusieurs humains, des Noirs et des Blancs, bref: des autres, toujours des autres. Et il y a un personnage au dos tourné, avec un chapeau pointu un peu cassé, mais muni d’un étoile (encoré une!), le bras levé comme pour dire adieu. Est-ce l’artiste en train de partir? Mais heureusement, elle nous laisse une goutte d’humanité…

 

Pierre Buhler

Dr. Théologien

Janvier 2009

 

Et toi, Maricela… Toi et tes atmosphères, toi et ta générosité, tu fais respirer pour nous l’enfant intérieur qui émerge au travers de ta peinture.

 

Tu nous renvoies à ce qui se cache derrière nos peurs, nos doutes et nos émotions.

 

Sur la toile, tu imprimes tes symboles, tu nous les prêtes pour qu’on parvienne à mieux se connaître, se comprendre et s’accepter.

 

Comme un fluide, tu nous fais passer la force de tes sentiments et celle de tes convictions. Tu nous permets aussi de lire des messages dans lesquels, de toute évidence, on se reconnaît.

 

Tu fais tomber toutes les hiérarchies, chacun de tes personnages est un être sensible et grandissant, qui apprend en se trompant, sorte d’acrobate qui cherche un équilibre et des repères.

 

Chacune de tes toiles nous suggère la tolérance, invite au respect et à la simplicité. A se départir des faux-semblants, à porter un regard tendre sur l’autre, sa différence ou sa condition.

 

Annick Weber

Journaliste

Novembre 2006

 

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